Au bord de la rivière, une jeune Hobbite était tranquillement assise à l'ombre d'un grand saule. Elle avait planté sa canne à pêche dans le sol, à portée de main, pour réagir assez vite lorsque le poisson mordrait. En attendant, elle avait rabattu son chapeau de paille sur ses yeux, les protégeant des éclairs de lumière reflétés par l'eau, et étendu ses pieds nus au soleil apaisant de l'été. Le clapotis de l'eau et la douceur du vent dans ses cheveux d'or la plongeaient dans un agréable sommeil, auquel elle ne comptait bien entendu absolument pas résister. Elle s'abandonnait à sa sieste avec délice.
Elle ouvrit cependant paresseusement un œil lorsqu'elle entendit une monture passer au galop sur la route. Ça alors, ces derniers temps, on ne pouvait vraiment jamais avoir la paix... La Hobbite bâilla longuement, puis se réinstalla confortablement pour se rendormir. Quelques minutes tranquilles passèrent calmement, puis elle entendit à nouveau des sabots heurter le sol, mais en sens inverse. Bon sang, mais est-ce qu'il savait ce qu'il voulait celui-là ? Elle s'étira un moment avant de daigner se retourner pour connaître l'identité de ce troubleur de sieste.
La Hobbite écarquilla les yeux avec surprise lorsqu'elle aperçut un cheval d'un blanc éclatant et la haute silhouette d'un cavalier. Des Grandes Gens dans la Comté ! Elle hésita avant de s'approcher, mais après tout il avait l'air perdu plutôt que dangereux. Lorsque la Hobbite s'avança, la silhouette fit brusquement volte-face et glissa prestement à terre, puis vint à sa rencontre. La Hobbite, impressionnée et apeurée, n'osa pas bouger. C'est une voix féminine, douce et chantante, qui s'adressa à elle :
« Bonjour... Je vous prie d'excuser ma curiosité, jeune demoiselle, mais ne faites-vous point partie du peuple des Hobbits ? »
« Euhhh... Si, répondit-elle. Est-ce que... Je peux vous aider ? »
La Hobbite examinait à présent l'étrange voyageuse, qui la dévisageait elle aussi. L'étrangère était grande et fine, vêtue de bleu pâle et portant une longue cape aux reflets changeants. De longs cheveux foncés encadraient son visage pâle, qu'éclairaient deux yeux couleur d'azur.
Quant à elle, elle avait plutôt la taille d'un enfant, bien qu'elle ait toujours été fière de dépasser les autres Hobbits. Elle avait des yeux vert d'eau, les joues roses, la bouche souriante, et son visage était bordé par de lourdes boucles dorées.
Après un moment d'observation en silence, la voyageuse répondit : « Et bien, oui, je n'osais pas vous le demander... Je dois me rendre à Grand'Cave mais je tourne en rond depuis un moment, je crains bien de m'être égarée ! »
La Hobbite sourit. « Ah ben oui, là vous y êtes pas du tout ! On est près de Hobbitebourg, et Grand'Cave, c'est par là-bas, vous voyez, mais c'est pas tout près ! » dit-elle en désignant une direction d'un geste vague. « Vous y serez jamais avant la tombée de la nuit... »
« Je vous remercie ! » La voyageuse s'inclina élégamment puis se remit en selle d'un bond. « Que les Valar puissent veiller sur vous ! »
« Les Valar ? Qui c'est, ceux-là ? » se demanda la Hobbite.
« Navaer », ajouta simplement la cavalière.
« Attendez ! » s'écria la Hobbite dont les yeux brillaient d'un éclat nouveau. « Vous êtes... Vous êtes une Elfe ? »
La voyageuse descendit de sa monture avec aussi peu d'efforts que la première fois, sans doute pour être un peu plus à la hauteur de son interlocutrice. Elle sourit.
« Oui, en effet ! Je suis Aerelloth Fleur-de-l'Océan, Elfe du Lindon. »
La Hobbite ne cachait à présent plus son admiration. Elle avait toujours admiré les Elfes, dans les récits du moins, et puis il y avait cette histoire qu'elle avait dû inventer lorsqu'elle était petite mais à laquelle elle croyait à présent dur comme fer. Elle se força à trouver quelque chose à répondre :
« Oh... C'est un honneur de vous rencontrer, madame ! Moi, c'est Hattie Touque. »
Les yeux de l'Elfe s'illuminèrent pour une raison inconnue. Elle répondit avec un sourire amusé : « Le plaisir est partagé, madame Hattie ! »
Hattie s'étonna que l'Elfe l'appelle « madame », d'ailleurs elle se serait sans doute vexée si ça n'avait pas été une Elfe. Elle était encore jeune, elle n'avait même pas fêté sa majorité ! Mais bon, l'Elfe ne pouvait pas savoir, elle était pardonnée. Elle ne connaissait pas les Hobbits, et puis les Elfes étaient vieux comme le monde alors...
Les yeux de l'Elfe sans âge riaient devant la réaction de Hattie, mais la Hobbite ne s'en était pas aperçue. Quoiqu'il en soit, Aerelloth était la première Elfe qu'elle rencontrait pour de vrai, et il y avait tellement de choses qu'elle voulait savoir ! Elle se risqua à demander :
« Grand'Cave, vous pensez que vous allez trouver ? C'est urgent, votre... mission ? »
« Non, pas vraiment... », répondit l'Elfe. « À vrai dire, j'ai cru comprendre que Grand'Cave était une grande ville, c'est donc là-bas que j'avais prévu une halte pour Celebwing... Mon cheval », précisa-t-elle.
« Ah bon ! Parce que si vous voulez vous reposer, on peut vous accueillir chez nous, à Bourg de Touque ! Ça vous ferait moins loin, et puis ça me ferait plaisir », dit Hattie avec espoir.
« Soit : dans ce cas, j'accepte avec joie ! Mais j'ai bien peur de ne pas trouver Bourg de Touque plus facilement... »
« Je vais vous accompagner bien sûr ! » répondit la Hobbite avec un grand sourire. « Si ça vous va, le temps de ranger mon matériel et je vous conduis chez moi. »
L'Elfe acquiesça et Hattie se précipita pour rassembler ses affaires.
« Voilà, ça y est ! » dit-elle en ramassant son sac à dos et sa canne à pêche. « Il vaut mieux qu'on y aille tout de suite, on a de la marche devant nous. »
Aerelloth sourit.
« À moins que cela ne vous gêne, vous pouvez monter à cheval avec moi, nous irons plus vite ! »
Hattie afficha un air perplexe :
« J'veux bien, moi, mais... Ça va faire trop haut pour moi ! »
Ceci n'étant pas un problème, l'Elfe porta Hattie et la déposa sur le dos du cheval blanc, puis se mit en selle prestement. Elles se mirent ainsi en route pour Bourg de Touque en suivant les instructions de la Hobbite.
« Oui, c'est sûr qu'on arrivera plus vite comme ça, merci madame ! »
- Aerelloth, corrigea l'Elfe.
- D'accord m'dame, Aerelloth, je m'en souviendrai ! Enfin, j'espère. »
Celebwing galopait maintenant à toute allure à-travers champs et le vent faisait voler les chevelures des cavalières.
« Parce que vous devez vous en douter, je parle pas l'elfique. Nous les Hobbits, on n'est pas très doués pour les langues étrangères ! Je veux dire, je crois que je connais quelques mots grâce aux contes et aux histoires, et plus que la moyenne, mais vous vexez pas si j'écorche votre nom...
- Ah oui ? Les Hobbits ont des contes en elfique ?
- Non m'dame, pas en elfique, quoique je pense bien que le vieux Bilbon devait en avoir. Mais on en a sur les Elfes, ça oui, et puis je peux peut-être vous dire deux-trois trucs... May govanène, et namaryé aussi ! »
Aerelloth ne put se retenir et laissa échapper un éclat de rire cristallin.
« Quoi ? C'est pas ça ?
- Si si... c'est juste... l'accent de la Comté », répondit l'Elfe avec un grand sourire. « Sinon, c'est tout à fait exact, vous devez même avoir un don pour les langues... »
Celebwing et les deux cavalières arrivèrent enfin à destination. Hattie fit signe de s'arrêter lorsqu'elles atteignirent une colline herbeuse, dans laquelle on distinguait plusieurs ouvertures circulaires.
« Voilà, on y est ! Bienvenue à Bourg de Touque. Ici, c'est chez nous ! On vit ici, moi et ma mère. Enfin, je vous raconterai. Installez-vous, installez-vous ! »
Hattie déposa son sac devant la porte et s'empressa de mener le cheval d'Aerelloth avec les animaux, non loin. Elle le conduisit à l'abreuvoir et assura Aerelloth qu'elle s'en occuperait et qu'elle pourrait le laisser là sans aucun problème.
« Allez, entrez donc ! Vous d'vez être épuisée par votre voyage, venez vous asseoir ! », encouragea la Hobbite en poussant la lourde porte en bois verni. Aerelloth se pencha pour passer, mais constata avec soulagement que le plafond était suffisamment haut pour qu'elle puisse se tenir debout. Elle s'assit sur une banquette confortable tandis que Hattie s'affairait dans la maison.
Pendant ce temps-là, l'Elfe observait la demeure avec intérêt. Des murs clairs, percés de fenêtres rondes qui donnaient sur l'extérieur de la colline, et du bois partout, pour les poutres, les meubles rustiques mais accueillants, et le parquet, qu'on apercevait par endroits. Autrement, le sol était recouvert par de nombreux tapis moelleux aux couleurs vives. Une cheminée en pierre, au fond, entourée de nombreux ustensiles et de placards que Hattie ouvrait les uns après les autres. D'autres portes circulaires qui laissaient deviner une habitation plutôt étendue. La Hobbite entreprit de ranimer les braises dans le foyer et de rajouter du bois dans la cheminée. Puis elle sortit deux gobelets qu'elle disposa sur la table près d'Aerelloth.
« Vous aviez raison, on a fait vite ! Je suis jamais rentrée à cheval, je dois vous dire. En tout cas, c'est une bonne chose, on est rentrées à point pour le goûter ! »
Elle y versa ensuite du cidre d'une bouteille qu'elle venait de chercher, puis apporta également un couteau et une énorme tarte aux fruits.
« Une petite tarte aux fraises que j'ai justement préparée tôt ce matin, ça tombe bien ! Mais si ça suffit pas, on a aussi des gâteaux, du pain, de la confiture... Vous me direz !
- Oh, non, je pense que ça suffira », répondit l'Elfe alors que Hattie s'apprêtait à rapporter d'autres provisions. La Hobbite entreprit de découper la tarte en quatre.
« Allez-y, servez-vous ! Vous m'en direz des nouvelles. Alors... J'peux savoir ce qui vous amène dans la Comté ? Si c'est pas trop indiscret, évidemment...
- Bien sûr, je vais vous en dire plus... En tout cas, je vous remercie une fois de plus de m'accueillir pour la nuit. » Aerelloth prit la part de tarte qui lui semblait la plus petite, ou du moins la moins grande et croqua la pâte croustillante et les fruits parfumés.
« Mmm, c'est vraiment délicieux !
- Merchi », répondit la Hobbite qui avait déjà pratiquement englouti toute sa part. « Je me débrouille en cuisine ! J'aide souvent ma mère à préparer les repas, elle ne se fait plus toute jeune. On vit ensemble toutes les deux ici, mais elle est partie rendre visite à ma tante à Château-Brande. C'est pour ça que je suis seule pour un p'tit moment, alors vous m'faites de la compagnie ! Je suis bien contente de vous avoir rencontrée tout à l'heure, vous savez... J'ai toujours voulu rencontrer des Elfes.
- Elen sila lumen omentielvo... Une étoile brille sur l'heure de notre rencontre », répondit l'Elfe en souriant. « J'imagine que si vous m'avez invitée, c'est pour en apprendre davantage sur mon peuple et sur moi-même, aussi je ne vais pas vous faire attendre plus longtemps. Voici mon histoire. »
La Hobbite écoutait Aerelloth avec attention, regardant à peine la part de tarte qu'elle venait de reprendre. Elle avait du mal à se rendre compte qu'elle allait entendre l'histoire d'une Elfe qui avait déjà dû vivre tellement d'aventures !
« Je me nomme Aerelloth Fleur-de-l'Océan, et je suis venue sur Arda dans les plaines du Lindon il y a de cela dix décennies.
- Dix siècles ? questionna Hattie qui n'avait pas pu s'en empêcher.
- Non... Cent huit ans, confirma l'Elfe. Pour une Elfe, je suis plus jeune que vous. »
Hattie faillit lâcher son morceau de tarte. Quoi ! Mais les Elfes étaient censés être de mystérieuses créatures qui accumulaient le savoir en traversant les millénaires ! Est-ce que toutes les histoires qui avaient bercé son enfance étaient fausses alors ?
« Un siècle débute toujours par une simple journée, et un long voyage par un premier pas, déclara Aerelloth. Je suis très jeune pour mon peuple, trop jeune pour voyager comme je le fais... Mais, je n'ai pas vu d'autre solution. Connaissez-vous la cité de Fondcombe ? Là-bas vit un grand seigneur elfe, qui doit se rapprocher de l'image que vous avez sans doute des Elfes. Sage, admiré et respecté...
- Et est-ce qu'il peut aussi disparaître dans un tourbillon de flammes ? »
Aerelloth tenta tant bien que mal d'expliquer à Hattie qu'il n'était pas dans l'habitude des Elfes de faire des tours de passe-passe. Les contes hobbits étaient cependant fermement ancrés dans son esprit, et l'Elfe se demandait bien ce qu'elle pouvait imaginer dans le même genre. Elle poursuivit son récit malgré les fréquentes interruptions de la Hobbite, qui réfléchissait par ailleurs à la manière de récupérer la dernière part de tarte qu'elle avait poliment laissée pour l'Elfe. Mais puisqu'elle n'avait pas l'air décidé à se servir...« Dites, m'dame, euh... Aréloss... Vous finissez pas votre part ? »
L'Elfe sourit. « Non... Mais c'était délicieux ! ...vous pouvez la prendre, si vous la voulez... » Hattie ne se le fit pas dire deux fois.
Aerelloth lui raconta comment, depuis qu'elle était jeune, elle sentait que de sombres événements se préparaient loin du Lindon... Des visions qui étaient perçues comme une bizarrerie par les Elfes, bien entendu, mais pas par la Hobbite, qui entendait enfin parler de quelque chose d'étrange et de mystérieux. Elle en avait souvent parlé à ses parents, pourtant ceux-ci ne prêtaient que peu d'attention à ce qu'ils nommaient ses cauchemars. La petite Elfe était encore bien jeune, mais elle était certaine qu'elle n'avait pas inventé cela, et qu'un danger menaçait Arda toute entière. Elle grandissait tranquillement, en apparence, cependant elle se renfermait sur elle-même tandis que ses pressentiments se faisaient plus présents dans son esprit. Elle s'isolait dans la bibliothèque de son père, et lisait tout ce qu'elle pouvait trouver ; ou alors elle tentait d'oublier ce qui la rendait si singulière au regard des autres lors de longues promenades dans la nature.
Un jour, la jeune Aerelloth eut la certitude qu'elle devait faire quelque chose pour empêcher le pire de se produire. Elle alla parler à Cirdan, le plus grand sage du Lindon. Lui l'avait écoutée, l'air grave mais pas surpris. Il ressentait cela également, et savait qu'une grande décision serait prise à Imladris. « Fondcombe », précisa Aerelloth pour la Hobbite qui commençait à se perdre dans les noms elfiques.
Mais il ignorait quelle en serait l'issue. Aerelloth avait déjà entendu parler d'Elrond, le Semi-Elfe, et elle pensait que lui aussi tiendrait compte de son avis. Pas comme ses parents, hélas... Elle avait essayé de leur expliquer une fois de plus ce dont elle était convaincue, et avait voulu leur parler de sa discussion avec Cirdan. Ils n'avaient rien voulu entendre. Elle leur proposait d'envoyer un messager à Elrond pour l'avertir de l'imminence du danger...
Hattie n'avait pas l'air rassuré d'entendre les sombres présages d'Aerelloth, aussi elle décida d'éviter de s'étendre sur le sujet. « Quoi qu'il en soit, mes parents ne m'ont pas écoutée, une fois de plus. C'est ainsi que j'ai entrepris de me rendre moi-même à Imladris... » Elle résuma à la Hobbite subjuguée comment elle avait quitté le Lindon, traversé le Nord de l'Eriador et comment elle était enfin arrivée dans la Comté.
« Hé ben... Quelle histoire, dites-donc ! Vous en avez fait de la route, en plus ! C'est pas moi qui pourrais en dire autant... Vous devriez peut-être vous mettre à l'aise, j'vais vous montrer la chambre d'amis ! » proposa Hattie en conduisant l'Elfe à-travers les couloirs. « Mmm, par contre... » Elle ouvrit une porte qui s'ouvrait sur une pièce aménagée confortablement, avec en son centre un grand lit et d'épaisses couvertures. Un grand lit... pour un Hobbit. « Vous risquez d'être un peu à l'étroit... »
- Ne vous en faites pas, assura l'Elfe.
- Bon... D'accord, alors je vous laisse vous installer. Pendant ce temps, je vais m'occuper de préparer le dîner ! »
Aerelloth posa sur un fauteuil les sacs qu'elle avait déchargés de Celebwing. Puis elle déposa sur le lit son chapeau, sa cape et son bâton de frêne. Elle fit quelques pas dans la chambre et observa son reflet dans un petit miroir fixé au mur. Elle s'assit ensuite sur le coin du lit, tandis que d'appétissantes odeurs commençaient à s'élever.
« Reprenez donc un petit peu de jambon ! suggéra Hattie. Quand on voit c'que vous mangez, on croirait jamais que vous faites un voyage pareil...
- Merci, mais sans façon. C'est très bon, mais je n'ai vraiment plus faim !
- Remarquez, vous avez raison de vouloir garder un peu de place pour le souper », observa finement la Hobbite.
Une fois le soir venu, Hattie avait allumé de nombreuses bougies dont les flammes dessinaient de multiples ombres mouvantes sur les murs. Elle grignotait une pomme et avait rejoint l'Elfe au coin du feu.
« Alors comme ça, vous avez rencontré des gobelins au nord ? » Elle frissonna. « Heureusement que la Comté est sûre, vous imaginez s'ils arrivaient ici... »
Aerelloth jugea préférable de ne pas mentionner les camps près de la frontière, ainsi que les brigands du marais qu'elle avait évités il y a peu de temps.
« Oui... Heureusement. »
« Vous savez qu'il y a déjà eu des gobelins, autrefois ? Il y a eu une grande bataille, mais mon ancêtre Bandobras Touque les a tous arrêtés. Tous ! C'était il y a presque trois cents ans. » Aerelloth aurait dû l'arrêter là, mais elle ne savait pas ce qui l'attendait. La généalogie hobbite.
« Nous, les Touque, on descend du frère de Bandobras, Ferumbras. Mon grand-père, Adalgrim, a eu cinq enfants : ma mère, Jasmina, son frère et ses quatre soeurs. C'est chez Esmeralda qu'elle est en ce moment. »
L'Elfe ne savait pas le temps que pouvait durer une conversation hobbite sur ce sujet, aussi elle écoutait patiemment.
« Vous n'savez sûrement pas, Airelloss... Chez les Hobbits, la majorité c'est à trente-trois ans. Moi, j'ai fêté mes vingt-huit ans cette année. On a quand même invité toute la famille, plus la famille éloignée et les amis. Ah, c'était une belle fête ! Mais pas aussi belle que l'anniversaire du vieux Bilbon. Ça aussi il faut que je vous raconte ! Tous les Hobbits s'en souviennent. Moi, j'avais seulement neuf ans, mais j'm'en souviens aussi ! »
Hattie se lança dans une description passionnée de l'anniversaire du vieux Hobbit, sur la base de ses propres souvenirs, de ce qu'on lui avait rapporté et de quelques légères modifications pour enjoliver l'histoire. Elle lui raconta les préparatifs, les invités de toute la Comté, le banquet, les danses au son de la musique joyeuse, le grand débat avec les enfants au sujet de l'Elfe qui était son père, les feux d'artifices...
« Quoi ? » s'exclama soudain Aerelloth.
« Des fusées de toutes les couleurs, c'était tellement magnifique ! Si vous aviez vu ça : de fantastiques explosions d'or et d'argent, sans parler de celle qui...
- Qu'est-ce donc que cette histoire d'Elfe ? » questionna Aerelloth incrédule.
« Ben, j'ai jamais connu mon père. Mais ça c'est parce qu'il est reparti dans la forêt du Roi-Elfe, celle avec les araignées, avant ma naissance », expliqua Hattie comme s'il s'agissait d'une évidence. Elle poursuivit :
« Le soir de l'anniversaire, Bilbon nous racontait une de ses aventures, et on était là, moi et mes cousins. Après ça, il est retourné voir d'autres invités sans doute, et je leur ai dit que c'était dans la même forêt que celle de Bilbon que vivait mon père. Mais vous savez c'que Merry m'a répondu ? Que mon père a jamais été un Elfe et que j'avais tout inventé ! Alors que je l'ai toujours su, même que je m'en rappelle ! Après, Perle, qui avait déjà bien la vingtaine, a rajouté que tout le monde savait que mon père était un Hobbit qui avait tellement bu à cette fête qu'il avait tout oublié. Non mais vous vous rendez compte ?
« Ah oui, je vois, répondit l'Elfe avec un sourire amusé.
- Elle disait qu'il y en a même qui pariaient pour deviner qui ça serait ! Non mais j'vous jure... Enfin, heureusement on en est restées là, parc'qu'il y a eu le gâteau après... » Un grand sourire ravi s'étala soudain sur son visage, et ses yeux se mirent à briller. Tous ces souvenirs venaient de donner à la Hobbite une idée lumineuse, qu'elle s'empressa de faire partager à l'Elfe :
« D'ailleurs... Vous voulez pas une petite part de gâteau avant d'aller dormir ? »